Des milliers de chauffeurs de poids lourds circulent sur les routes canadiennes, en majorité des immigrants originaires d’Asie du Sud-Est, confrontés à des conditions de travail précaires. Ils sont souvent mal rémunérés, insuffisamment formés et conduisent des camions qui ne respectent pas toujours les normes de sécurité. Cette situation soulève des inquiétudes chez les professionnels de l’industrie, dénonçant les dangers que ces pratiques représentent pour la sécurité routière.
Brampton, en Ontario, est un point de départ important pour de nombreux camionneurs. La plupart d’entre eux sont des immigrants indiens qui se retrouvent dans des situations de travail difficiles. Selon Navi Aujla, responsable d’une organisation d’aide aux travailleurs, de nombreux chauffeurs voient dans ce métier une opportunité pour obtenir la résidence permanente, mais ils en pâtissent souvent en raison de leur vulnérabilité. Les appels à l’aide affluent auprès de son organisme, témoignant de conditions de travail intolérables où certains chauffeurs conduisent jusqu’à 20 heures d’affilée.
Les abus systématiques ne s’arrêtent pas là. De nombreux chauffeurs, bien qu’ils signalent que leurs camions ne sont pas conformes aux normes de sécurité, sont contraints de continuer à travailler avec ces véhicules. Cette pression peut parfois mener à des issues tragiques. Dans ce contexte, le consulat indien de Brampton a même organisé des rencontres pour aider certains de ces chauffeur à renouveler leurs passeports, signalant ainsi la forte concentration de cette communauté dans la ville.
Près de certains arrêts de camion, un jeune chauffeur de 26 ans, Talvinder Singh, exprime sa frustration. Il constate que l’attention se porte souvent uniquement sur les accidents de camion, négligeant les entreprises qui poussent leurs chauffeurs à prendre des risques. Ses mots soulignent l’indifférence face à la réalité des conditions de travail des camionneurs, qui sont souvent sous-payés ou ne reçoivent pas leur rémunération complète. Il affirme même qu’il cherche toujours à récupérer près de 14 000 dollars dus par son ancien employeur.
Aman Preet Kaur, également camionneuse, raconte avoir perdu 5 000 dollars à cause de son ancien patron, une perte significative pour quelqu’un qui a récemment immigré au Canada. Elle décrit les conditions déplorables dans lesquelles elle a dû travailler, se voyant contrainte d’utiliser un camion dans un état désastreux. Sa colère est palpable lorsqu’elle évoque la pression exercée par les entreprises sur les chauffeurs : « Ils se moquent de notre sécurité. Les camionneurs sont en colère, ce qui n’est pas sûr sur la route ».
Des statistiques alarmantes viennent appuyer ces témoignages. Entre 2022 et 2024, plus de 6 800 plaintes pour salaires impayés, incluant des heures supplémentaires et des indemnités de départ, ont été déposées auprès du Programme du travail pour l’industrie du transport au Canada. Parmi ces plaintes, une proportion significative provient de l’Ontario et du Québec.
Cette situation met en lumière la manière dont les camionneurs immigrants, souvent victimes de l’exploitation, se battent pour leurs droits et leur dignité dans un secteur où la concurrence est féroce et les conditions de travail souvent dévalorisées. Les répercussions sur leur qualité de vie et sur la sécurité routière sont préoccupantes et soulignent la nécessité d’une réflexion sur les pratiques de l’industrie du transport au Canada.