Un rapport accablant de la vérificatrice générale du Québec dévoile des dysfonctionnements majeurs dans la transition numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), à travers sa plateforme SAAQclic. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des coûts de mise en œuvre qui ont triplé, des tests insuffisants avant le lancement et des risques de fraude élevés.
### La genèse d’un projet controversé
Le projet intitulé Carrefour des services d’affaires (CASA) a été initié en 2018, avec l’objectif de moderniser les systèmes informatiques de la SAAQ. Cette entreprise se voulait une avancée significative dans la numérisation des services de l’organisme, mais les premiers signes de défaillance sont apparus dès la mise en service de la plateforme SAAQclic, lancée le 20 février 2023. Ce jour-là, les usagers ont fait face à des attentes interminables en succursales, et le service à la clientèle a été engorgé, créant un chaos qui aurait pu être évité.
### Des tests inachevés avant le lancement
La vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, a souligné que moins de 80 % des tests finaux nécessaires avaient été réalisés avant le lancement de SAAQclic. Cette précipitation a non seulement augmenté le risque d’erreurs, mais a également ouvert la porte à des fraudes potentielles. La situation était d’autant plus préoccupante que les essais sur les différents portails de la plateforme n’étaient qu’à des stades de progression inachevés, signalant une gestion de projet déficiente.
### Communication défaillante au sein de la direction
Un ancien membre du conseil d’administration a révélé que, bien que la direction ait reçu des alertes concernant les retards et la qualité des tests, il n’y a pas eu d’alerte suffisante faite aux niveaux supérieurs. Les dirigeants, dont l’ex-vice-président aux technologies de l’information, avaient connaissance des problèmes mais ont choisi de ne pas les exposer, continuant à proclamer que tout avançait harmonieusement. Cette désinformation flagrante pose des questions sur la responsabilité au sein de la SAAQ.
### Coûts exorbitants et manque de transparence
Le rapport indique que les dirigeants de la SAAQ ont dissimulé des dépassements de coûts significatifs. Initialement estimés à environ 700 millions de dollars, les frais du projet devraient atteindre au moins 1,1 milliard de dollars d’ici 2027, représentant une augmentation de plus de 40 % des prévisions initiales. Des experts externes étaient d’avis qu’un report de la mise en service aurait permis d’améliorer le niveau de préparation et d’atténuer les conséquences de ce qui s’est révélé être un déploiement raté.
### Conséquences directes sur les usagers
À la suite du lancement de SAAQclic, des dysfonctionnements importants ont eu des répercussions directes sur les usagers. Les concessionnaires ont rencontré des difficultés pour livrer des véhicules, tandis que de nombreux conducteurs ont éprouvé des problèmes lors du renouvellement de leurs permis ou du paiement de leurs immatriculations, creusant ainsi un fossé entre les attentes des citoyens et la réalité des services fournis par la SAAQ.
### Appel à une évaluation rigoureuse
Éric Ducharme, récemment nommé PDG de la SAAQ après le chaos, a reconnu que l’urgence dans le déploiement du système a pu causer des retards et des faux pas. Son annonce d’un diagnostic du programme CASA vise à en tirer des enseignements pour de futurs projets informatiques, mais soulève des interrogations quant aux mesures d’amélioration qui seront réellement mises en place.
### Réactions gouvernementales et enjeux de responsabilité
Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique a exprimé son indignation face à la situation, fustigeant le conseil d’administration pour avoir été mal informé. Des promesses de rectifications et des gestes significatifs sont annoncés pour rétablir la confiance du public et s’assurer que les mêmes erreurs ne se reproduisent pas.
### Enquête interne et conséquences pour la direction
Des voix s’élèvent au sein de l’opposition politique, accusant le gouvernement de déresponsabilisation quant aux choix stratégiques ayant conduit à cette débâcle. La vérificatrice générale a également évoqué l’incapacité à établir si les ministres étaient conscients des problèmes rencontrés, s’engageant à en faire la lumière pour redresser cette situation chaotique.
### Une crise de crédibilité pour la SAAQ
Cette situation soulève des questions sur l’avenir de la SAAQ et l’intégrité de ses dirigeants. Les usagers, eux, continuent de faire face à des inefficacités au moment où ils devraient bénéficier d’un accès facilité et moderne aux services de l’organisme. Des changements sont nécessaires pour restaurer la confiance des citoyens et garantir une gestion responsable des fonds publics.